Sauveterre-de-Guyenne, ancienne bastide et territoire rural marquée par une identité viticole au cœur de l’Entre-deux-Mers, est un des lieux d’exploration choisi par le 308 – Maison de l’Architecture en Nouvelle-Aquitaine pour
y mener une résidence d’architecte (1).
Notre binôme a 6 semaines pour parcourir, interroger et saisir comment le verbe « habiter » s’incarne ici et porte en lui un avenir. L’approche est mixte : Manon est scénographe et diplômée en architecture, Marie écrit et intervient lors d’ateliers de création littéraire (2).
Se saisissant du cadre de recherche-action proposé, nous avons imaginé le projet « Traversée ». Anagramme presque parfaite de « Sauveterre », le vocable « Traversée » appelle un arpentage sensible du territoire à travers les vécus et les paroles de ses habitants.
Parcourir, collecter, tendre l’oreille
Guidées par les Sauveterriens et les Sauveterriennes, nous avons parcouru avec eux les itinéraires qu’ils avaient définis. À pied, en vélo ou en voiture, chaque itinéraire fait l’objet d’une récolte méthodique. Nos outils d’architecte (cartographies, photographies...) et d’écrivaine (mots, enregistrements du fil de discussion...) gardent traces de ces traversées du territoire d’une à cinq heures et ouvrent sur des angles différents : souvenir d’enfance, activité économique, patrimoine architectural... Cette pluralité des sensibilités, non généralisable, met à jour des façons d’habiter son environnement. Saisissant ainsi des pratiques hétérogènes du territoire, nous adoptons un parti pris humain
et valorisons l’expertise de ses usagers.
La démarche de recherche-action, invitant à penser les processus mis en œuvre avec les habitants de ce territoire, a engendré une deuxième dynamique de résidence. Devenues l’oreille d’une commune à laquelle on confie plaintes et idées, nous avons saisi cette opportunité pour penser un autre dispositif. Le « mur des prérogatives sauveterriennes », composé de notes repositionnables, fourmille d’idées de changements possibles ou utopiques pour Sauveterre.
Identifier les croisements, produire du collectif
Cette récolte accumulée, nous avons souhaité la transformer collectivement avec les habitants lors d’ateliers ou de temps forts. Elle suscite réflexions, débats et questionnements entre habitants.
En ateliers, les participants (3) sont invités à questionner les points de croisement des itinéraires parcourus et à façonner cette matière recueillie grâce aux outils plastiques et littéraires. Pour quel objectif ? Révéler, grâce au travail collaboratif, les éléments pertinents pour créer des affichages in situ appelant à une lecture collective du territoire riche de futur.
Préserver les liens
Notre résidence a été interrompue par le confinement. Pour maintenir les liens tissés et continuer à recueillir des points de vue hétérogènes sur le territoire, nous avons pensé à deux médiums : la radio et le courrier.
La carte postale comme outil pour continuer à faire émerger des attentes autour d’un lieu spécifique. La radio pour diffuser à l’ensemble de la population les idées recueillies.
(1) S’inscrit dans le dispositif « 10 résidences d’architectes » lancé en 2017 par le Réseau des Maisons de l’Architecture à Paris avec le soutien du mécénat
de la Caisse des Dépôts dans le cadre d’un partenariat national reconduit chaque année.
(2) Manon Ravel et Marie Willaime aiguisent leur regard d’architecte et d’écrivain lors de collaborations artistiques qui questionnent leurs pratiques. Manon crée l’atelier
de scénographie soplo, un collectif réunissant deux architectes et une plasticienne en vue d’imaginer
des créations hybrides, légèrement hors-champ. Marie collabore avec d’autres artistes pour penser le texte littéraire hors du livre, dans sa matérialité sonore et/ou dans l’espace physique.
(3) Nous avons notamment travaillé avec l’ESAT (Établissement et Service d’Aide par le Travail), le RPA (Résidence pour Personnes Autonomes) et la médiathèque de Sauveterre
