ARCHITECTE ET... PROFESSEUR DE YOGA

Architecture et yoga, un langage étonnamment similaire...

Frédérique IVANÈS.

Frédérique Ivanès exerce le métier d’architecte à temps plein, enrichi par cette expérience du yoga vécue au quotidien. Dans sa petite commune rurale, près de Poitiers, elle donne un cours de yoga hebdomadaire tout en continuant à se former à cet enseignement. Témoignage.

Je me suis retrouvée professeur de yoga un peu « par hasard » après quelques années d’apprentissage alors que je n’avais pas fait l’école de yoga pour l’enseigner... Je me suis souvent dit qu’un jour cette connaissance me servirait dans mon métier d’architecte. Avec le recul, je me rends compte aujourd’hui de quelques similarités entre ces deux pratiques.

En premier lieu, il y a le corps et son ressenti sensoriel : une attention particulière aux perceptions des sens, à la respiration.
Comme en architecture, la position du corps s’expérimente dans l’espace : verticalité, horizontalité, latéralité, symétrie, ouverture/ fermeture, intérieur/extérieur... Les postures rendent conscient le schéma corporel, révèlent nos axes, nos points d’appui, nos tensions...
La posture est aboutie lorsque l’on atteint un sentiment d’unité entre le corps et l’esprit, à la fois dans la fluidité et la stabilité d’un équilibre qui reste vivant.

De la même manière, un bâtiment cherche sa « posture », ses axes de composition, se fonde et s’érige, s’étale ou se contracte, et constitue
un ensemble systémique où chaque élément est relié aux autres dans un équilibre recherché et qui fluctue avec l’usage, le temps et le contexte...

Puis les yogis parlent d’« espace intérieur » dans lequel circule le souffle, cette dimension subtile de la respiration qui augmente sensiblement le ressenti énergétique, jusqu’à sentir émotions et pensées... Le mental est appelé à devenir silencieux et nous faisons l’expérience d’une entrée en nous-même, d’un voyage intérieur vers notre centre, tout en se sentant relié à une dimension « plus grande que nous », dans laquelle nous nous sentons à notre place.

C’est comme entrer dans un lieu et sentir qu’il y a « quelque chose » qui se dégage, là. Sensations produites sur le corps, mais aussi sur l’esprit, nous devenons silencieux et attentifs. Tout résonne, vibre, nous parle : la lumière, les matières, les volumes, la géométrie... créant ensemble une ambiance poétique. Il m’arrive parfois de vivre une « expérience d’unité » telle qu’elle est donnée dans le yoga, un instant de grande cohérence intérieure naissant de l’harmonie et de la beauté de l’architecture qui a su ordonnancer tout cela, et qui viennent résonner en moi. Cette mise en « résonance » est d’ailleurs le fil conducteur des architectures sacrées, véritables lieux d’initiation vers l’unité, mais que nous ne savons plus ressentir par manque d’écoute.

Le yoga assurément m’aura permis d’approfondir ma relation au vivant, et de transmettre cette dimension qu’il est si difficile d’atteindre
en architecture...

Donc, oui, architecte... mais pas que..., enfin presque !

n°49 - hiver 2020