Économie

Quand les crises sont accélératrices de changements.

Sébastien PERRUCHOT, Directeur Cellule économique réfionale de la Construction (CERC) Nouvelle-Aquitaine

La résilience est un concept utilisé dans de nombreuses disciplines. En physique, elle mesure la capacité d’un matériau à absorber un choc.En écologie, celle d’un écosystème à retrouver un équilibre après un évènement exceptionnel. Quel que soit le domaine, cette terminologie regroupe deux idées : répondre efficacement à des perturbations imprévisibles et s’adapter aux changements en cours et à venir.

Pour la filière construction, force est de constater que la période est riche d’incitations aux changements. La pandémie de la COVID-19 et le conflit armé en Ukraine bousculent, voire fragilisent l’ensemble du secteur. Les difficultés d’approvisionnement et les tensions inflationnistes imposent de raisonner à plusieurs mois dans un environnement incertain, d’anticiper des commandes de fournitures avant même d’avoir lancé les études d’exécution, de repenser les projets pour rester dans les enveloppes budgétaires définies, de gérer des plannings de chantiers perturbés ou des périodes de surchauffe d’activité, de renégocier des honoraires ou des prix, sources de tensions entre maîtres d’ouvrage, d’œuvre et entreprises.

Début avril 2022, 55% des chantiers étaient très perturbés ou à l’arrêt selon les résultats de la dernière enquête de la CERC, et plus de la moitié des entreprises connaissaient des difficultés pour réviser les prix des contrats en cours. Rien de surprenant avec les hausses de prix relevés : acier (+45%), bois (+53%), tuiles (+29%), briques (+26%), isolants (+18%), etc. renchérissant d’autant les coûts de construction et les prix de l’immobilier. Aussi difficiles soient-elles, ces crises invitent à travailler sur une évolution des pratiques tant sur l’économie des projets et leur conception que sur les modes constructifs ou l’organisation des chantiers : encourager les circuits d’approvisionnement courts, les matériaux locaux à faible empreinte environnementale ou le réemploi de l’existant. Dans ce contexte, les matériaux biosourcés (ou géosourcés) bénéficient d’une dynamique favorable, amplifiée par la RE2020. À titre d’exemple, la construction paille ou bois/paille, avec l’élaboration de Règles professionnelles et de formations dédiées, se développe rapidement. En 2020, 70 architectes et bureaux d’études néoaquitains avaient suivi la formation «  Pro-Paille  ». Plus de 138 projets de construction paille, majoritairement des maisons individuelles, avaient été recensés sur l’ensemble de la Région à la mi-2020. Un chiffre encore modeste au regard des 35 000 logements mis en chantier annuellement dans la région mais un bel avenir en perspective pour ces filières.

n°55 - Été 2022