Ressources locales

Matière et Humain.

Dorian VAUZELLE et Hugues GIRAUDY, architectes Atelier 4 Lim.

Les tensions qui rythment le marché des produits de construction (difficulté d’approvisionnement bien sûr mais également volatilité des prix), ne font que rendre apparentes des problématiques d’utilisation des ressources présentes depuis longtemps. En comparaison, les filières locales affichent une stabilité rassurante si elles ne sont pas soumises à des enjeux d’exportation trop puissants. La chaux, l’argile, la pierre, la paille, ces ressources moins conditionnées par l’industrialisation de leurs modes de production n’affichent pas de pénurie et un bilan carbone généralement bien meilleur que les matériaux d’importation manufacturés.

Cet heureux constat est également observable au sein des filières de réemploi. Si les bénéfices du recyclage ne sont plus à démontrer aujourd’hui, l’équilibre économique de la pratique était rarement atteint. Par la hausse des prix, le réemploi devient une économie compétitive aujourd’hui. D’un point de vue architectural cela conduit à un pas de côté dans nos certitudes esthétiques pour intégrer ces matériaux, comme une figure auto-imposée.

Toutes ces filières locales – bio sourcé, géo sourcé, réemploi – ont en commun qu’elles nécessitent beaucoup de main d’œuvre pour transformer et façonner sur site. Les matériaux considérés à forte valorisation humaine participent donc à un rééquilibrage des dépenses de la construction. Pour un mur en pisé de terre du site la part du produit représente moins de 15% du coût global du lot. La technique restitue une juste hiérarchie entre l’homme et le produit.

C’est également une formidable occasion d’élever les exigences d’insertion sociale sur le chantier avec des structures partenaires et l’assistance des maitrises d’ouvrages. Sur diverses opérations publiques nous avons sollicité des entreprises solidaires qui œuvrent à l’insertion sociale et professionnelle sur leur territoire. Si cette stratégie impose un dépassement de fonction de l’architecte, elle permet de créer des espace-temps de formation au sein même du chantier.

Ces pratiques (matériaux locaux et renouvelables, réemploi, économie de matière, valorisation du travail humain) que nous croyons vertueuses, améliorent l’impact des projets, mais ne sont pas une solution miracle : il manquera probablement toujours une pièce technique venue de Chine pour terminer le projet, et un projet 100% local et décorrélé de la conjoncture n’existe pas.

A défaut de résoudre tous les problèmes, elles restaurent le plaisir, la reconnaissance et la fierté de participer au chantier et de faire.

n°55 - Été 2022