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Des ressources nouvelles pour la fabrique de la ville.

Julie Benoit, Bellastock.

Avec les enjeux climatiques, socio-économiques et sanitaires d’aujourd’hui, la fabrique de la ville suppose aujourd’hui de nouveaux modes d’actions. Nous pouvons lister quelques raisons objectives d’un changement des pratiques : la finitude des ressources et de l’espace urbain, une critique de la croissance et du modèle linéaire et mondialisée de la production, une critique de la standardisation des innovations. Des raisons culturelles d’un changement sont aussi très présentes : on trouve le besoin de coopération et l’interdépendance entre les territoires, les réflexions sur la bonne gestion de la maison commune. Le patrimoine matériel et immatériel est une valeur fondamentale avec beaucoup de force : levier de vitalité d’un micro-territoire, expression d’une relation nature – culture cohérente, mémoire à extrapoler…

L’intérêt porté à la dimension matérielle favorise des expérimentations fructueuses d’économie circulaire appliquées aux secteurs de l’aménagement et de la construction. Deux exemples de Bellastock portent sur le réemploi de matériaux, imbriquant l’échelle du territoire et celle du projet architectural : le projet Métabolisme Urbain de Plaine Commune (2017-2020), le projet de la Fabrique du Clos au NPNRU5 du Clos Saint Lazare, à Stains.

Dans le premier cas l’EPT(2) est étudié au prisme de ce qu’il contient comme bâtiments en mutation (démolition, réhabilitation, construction). La mine urbaine est analysée et ses débouchés dans de prochains chantiers évalués. La circulation des éléments de réemploi est pensée en termes de flux matériels, de filières aux savoir-faire à développer, de foncier à mobiliser. Dans le second cas une filière de béton est testée de façon expérimentale, pour utiliser le béton des immeubles démolis en « pierre de béton » ou en voile dans des sols, des murets paysagers, des façades de petits appendices. L’idée est de changer l’image du quartier en modelant sa propre matière et avec ses habitants (en mobilisant les filières d’insertion par le travail, en ouvrant le lieu des expérimentations à une gestion habitante…). Les tests techniques sont documentés et des référentiels sur mesure produits par différents centres techniques (CSTB, LERM, CERIB) pour assurer la fiabilité et la reproductibilité des ouvrages.

Dans les deux cas, sont pensés ensemble la chaine de valeur et le processus de production du projet mais aussi sa valeur prescriptive pour le territoire. En rassemblant autour de la table concepteurs du projet et acteurs du territoire, émergent des solutions techniques et des modèles socio-économiques stimulants. Parce qu’en puisant dans ses propres ressources on pense rapidement hors-norme, la chaine de responsabilité ne peut être oubliée (fiabilisation des produits non standard). Le territoire monte en compétence sur de nouveaux savoir-faire et interroge les modes de gouvernance de la fabrique de la ville.

1 Nouveau Programme de Renouvellement Urbain
2 Établissement Public Territorial

n°47 - été 2020