Don’t Look Up : déni énergétique.

Ludovic Gillon

Qui n’a pas été secoué par ce film pendant les dernières fêtes de Noël. Loufoque mais pas complètement irréaliste, il questionne notre capacité à écouter les scientifiques qui suggèrent des solutions qui ne sont que rarement appliquées. Pour autant, les prévisions sont alarmantes et annoncent un réchauffement de +2,7 °C d’ici la fin du siècle. L’inertie des états dans leur actions exaspère les scientifiques, qui ne peuvent s’impliquer en politique sans se discréditer. C’est pourquoi des citoyens s’engagent dans une résistance civile pour éviter la catastrophe. C’est le cas en Suisse avec «  Renovate Switzerland  », un mouvement qui exige que leur état s’engage à rénover d’ici à 2040 le million de maisons nécessitant une isolation d’urgence pour réduire les émissions de CO2 et la dépendance énergétique de leur pays.

En France, un mouvement similaire a vu le jour en février 2022, «  Dernière Rénovation  », dont deux actions ont été menées pendant Roland-Garros et le Tour de France. Leur principale revendication est similaire, souhaitant que l’état s’engage à rénover le parc immobilier d’ici 2040 (environ 5 millions de passoires thermiques) afin de baisser les émissions de CO2 (20 % du CO2 est produit par les bâtiments). Cette rénovation sera mise en œuvre grâce à un système de financement progressif prenant en charge les travaux des plus modestes. «  Dernière Rénovation  » exige un agenda contraignant et que les travaux engagés atteignent directement un niveaude performance satisfaisant, favorisant le recoursà des matériaux bio sourcés et locaux. Une réorganisation complète des filières sera à prévoir, tant en matériaux qu’en main-d’œuvre. En ciblant leur action sur un sujet quotidien et universel, le mouvement souhaite provoquer un déclic auprès des citoyens. Aujourd’hui, le mouvement est actif dans plus de dix pays.

Cette grande rénovation ne devra pas se faire sans les architectes qui devront être proactifs, d’autant plus qu’elle a un impact sur la forme et l’aspect des villes et des territoires. Elle aura une esthétique que nous devrons façonner tout en préservant le patrimoine ancien et récent. Nous devrons être attentifs aux règlements en vigueur et alerter les élus lorsqu’ils sont obsolètes. La déclaration du Conseil des Architectes d’Europe rédigée pour la COP26, appelait de toute urgence à modifier notre manière de concevoir, en privilégiant la rénovation, alors que 85 à 95 % des bâtiments qui existent aujourd’hui en Europe seront toujours debout en 2050 de par leur valeur économique, sociale, ou culturelle. L’énorme quantité de carbone qu’ils renferment doit rester inerte et être valorisée pour quelques années supplémentaires. La rénovation du parc immobilier ne doit pas en définitive se limiter à l’amélioration de la performance énergétique mais inclure toutes les améliorations fonctionnelles et esthétiques nécessaires au bien-être des habitants (en espérant qu’aucune comète ne s’approche trop près de la terre).

N°56 - automne 2022