Habitat participatif : quand l’union fait la forme.

Jordi PATILLON, journaliste.

Dans notre pays roi de la clôture, les programmes participatifs font émerger d’autres façons d’habiter. Exemple avec un projet bordelais piloté par le Comité Ouvrier du Logement et l’agence Lemérou Architecture.

C’est un programme qui rassemble nombre de valeurs dans l’air du temps : solidarité, écologie, partage, durabilité… L’habitat participatif séduit de plus en plus dans l’Hexagone, et le Comité Ouvrier du Logement (COL) en est un des opérateurs les plus engagés. « L’innovation a toujours été au cœur de notre démarche, revendique Imed Robbana, son Directeur Général. Nous souhaitons mieux répondre aux besoins du territoire et de nos concitoyens, notamment les plus modestes. C’est pour cela que nous travaillons sur ces programmes, autant d’écosystèmes qui favorisent le lien social, l’intelligence collective, l’entraide. Mais pour que ces projets soient une réussite, il faut une alchimie entre maîtrise d’ouvrage et maîtrise d’œuvre… et aussi avec les habitants ! Nous sommes tous sur le même bateau, qui doit arriver à bon port,
de préférence dans les temps et les coûts prévus ! »

Exemple du succès d’un équipage complémentaire : 20 logements livrés en mai dans le quartier bordelais de Brazza avec l’agence Lemérou Architecture. « Pour nous, la complexité du participatif est que chacun arrive avec sa propre surface selon son budget, résume l’architecte Lætitia Mérimée. On s’est donc questionné ici sur la cohérence du bâtiment. Notre réponse : deux grandes halles, un plan libre à découper selon les besoins, et des appartements travaillés en volumes capables pour permettre ensuite à chacun de les aménager comme il le souhaite. » Les réunions ont été nombreuses pour affiner un programme ambitieux (avec des espaces partagés comme un potager, un studio équipé, une salle commune et deux terrasses), comme le révèle l’architecte : « il y a eu beaucoup d’ateliers pédagogiques où, toujours en accord avec le COL et avec des maquettes et des références comme support, nous avons ensemble redéfini les besoins. Nous avons dû, par exemple, expliquer que chacun ne pouvait avoir son propre modèle de fenêtre, car il y avait une économie de projet à préserver. L’entente avec le COL a été parfaite et la réussite du bâtiment en est la preuve ! »

Les deux acteurs se retrouvent néanmoins dans une même problématique : le complexe rapport au temps. « Des premières esquisses à la livraison, 6 ans se sont écoulés, appuie Laetitia Mérimée. Des premières personnes à qui on s’est vite attachés, mais qui ne voyaient pas les choses avancer, sont finalement parties… » Grâce au dispositif de bail réel solidaire, qui dissocie le foncier du bâti, « les résidents n’achètent que les murs et ne sont pas propriétaires du sol, contrebalance Imed Robbana. Les logements sont donc moins chers et ne peuvent être revendus qu’à des gens sous le plafond de l’accession sociale, comme les premiers acquéreurs. On crée donc un parc qui reste durablement accessible, un bon compromis entre sauver la planète et loger des gens dans de bonnes conditions. » Au-delà de l’opération immobilière, c’est bien avant tout une aventure humaine qui donne forme, à la fois, à une nouvelle façon d’habiter et à un nouvel habitat.

N°53 - hiver 2021