Environnement

Frugalité et logement

Coécrit par Sophie Brindel-Beth, architecte, ingénieure, enseignante, autrice, coordinatrice régionale FHC, Olivier Legrand, architecte et ingénieur, Sophie Moulard, anthropologue et Flore Scheurer.

Face à l’injonction climatique et environnementale, notre profession d’architecte doit répondre de façon inéluctable par une profonde évolution de ses pratiques. Participer à l’acte de construire devient plus que jamais un acte politique, au travers duquel, elle/lui tout comme les autres professionnels sont invités à « prendre position ». C’est tout le sens de l’engagement du Manifeste de la Frugalité Heureuse et créative, et de son réseau national en plein épanouissement.

Si les principaux axes de la Frugalité avaient déjà fait leur apparition, l’articulation originale qu’elle en propose les rend très fédérateurs. Quels sont-ils, et comment se traduisent-ils sur la question du logement en particulier ? Être frugal, c’est d’abord épargner les ressources tout en favorisant la qualité du logement, privilégier les matériaux locaux et bio-sourcés, veiller au plaisir de vivre sur un territoire préservé, tout en portant son attention sur la question de l’égalité d’accès au logement, combiné au bien-être des habitants.

Plusieurs rapports préfigurent ou sont contemporains du Manifeste de la Frugalité (Girometti-Leclerq, baromètre Qualitel, Shifters, etc.), qui témoignent tous de l’évolution des consciences et des actes. Pourtant, le rythme de construction des logements continue à poser question, surtout au regard du nécessaire équilibre des territoires : 2,8 millions de logements en Nouvelle-Aquitaine, dont 44 % construits avant les réglementations thermiques ; 238 000 logements vacants, avec pourtant une moyenne de 42 000 logements construits par an. Ces chiffres sont aussi éloquents qu’alarmants, si l’on considère leurs impacts en matière d’émission carbone, de consommation des ressources et des espaces, d’inégalités sociales, devraient nous amener à une remise en question systémique.

La question qui mobilise la matière grise de la Frugalité est : que pouvons-nous faire pour inverser ces tendances et contribuer à cette transition ? Notre position est de reconnaître que les dispositions légales sont un moyen incontournable de définir un socle de base fort tant sur la qualité que sur la quantité (label frugal bordelais, zéro imperméabilisation,…) mais qu’il faut accompagner le changement en allant au-delà et en cassant la mécanique du buisness as usual qui conduit encore et trop globalement à la construction
de logements neufs aux normes désuètes si l’on considère l’urgence qui nous est faite. Il s’agit donc de parvenir à dépasser les normes pour changer nos pratiques : toujours préférer la réhabilitation, construire de façon vertueuse, se former, rémunérer les études préliminaires, faire s’effondrer les préjugés en jouant notre rôle de conseil. Tout cela passe par une évolution de nos représentations du métier d’architecte, l’une des grandes ambitions de la Frugalité.

N°53 - hiver 2021