Note de lecture

Arrêtons l’amateurisme au nom de l’urgence. De Haïti à Notre-Dame, la reconstruction en question.

Patrick Coulombel. NBE Editions – décembre 2019 – 45 pages – 7€.

Sophie BERTRAND, architecte

Mon arrière-grand-mère avait pour habitude de dire, et d’agir selon ce précepte : « le bon marché coûte trop cher ».
On pourrait décliner « le provisoire coûte trop cher », ou « le mal construit coûte trop cher ».

Patrick Coulombel, est un architecte engagé ! Co-fondateur de la fondation Architectes de l’Urgence, il procède à une relecture de son engagement, et surtout des engagements ou désengagements des personnes envoyées sur le terrain. Dans l’humanitaire appliqué à la reconstruction ou la construction, les meilleures intentions ne suffisent pas, un professionnalisme certain est attendu, nécessaire. « Si c’était simple de construire, cela se saurait. »

Ce petit livre comprend deux volets : un état des lieux et la méthodologie des Architectes de l’Urgence.

Il pointe les dysfonctionnements du monde de l’humanitaire, des organisations impliquées dans la reconstruction dans l’urgence. Il met à plat le gigantesque gaspillage, gaspillage de l’argent des donateurs, gaspillage de temps mis à reconstruire, gaspillage des matériaux utilisés, gaspillage à court, moyen et long terme. Il prend des exemples : intervention dans des zones géographiques où les structures de l’État sont déjà défaillantes, gangrenées par la corruption, manque de formations de terrain, escroqueries, confusions entre exotisme, tourisme et actions ciblées, ou contrôle administratif déconnecté du contrôle technique sur site…

Il présente la méthode mise en place depuis une quinzaine d’années par Architectes de l’urgence,
— des professionnels qualifiés, constructeurs dans l’urgence, encadrant du personnel local,
— la mise en sécurité des bâtiments par un binôme architecte + ?ingénieur, pour une intervention complémentaire à celle des pompiers,
— des solutions à moyen terme, par exemple avec l’usage d’une tente avec une tenue au feu, traitement anti-moustique et fongicide, garantie deux ans,
— des constructions locales, en partant de l’analyse des typologies locales, et utilisant des ressources locales,
— des compétences en géotechnique, et ingénierie permettant le calcul des fondations, calcul des structures, en prenant en compte les règles parasismiques et / ou anticycloniques,
— une solide organisation de chantier et un calendrier de travaux, comprenant si nécessaire une unité de fabrication.

Comme il y a 200 ans, l’ensemble de la chaîne de production est maîtrisée, du dessin à la réception du bâtiment. Revenir au bon sens du local, du rapport à notre environnement, de l’écologie.

Cette méthode souhaiterait dépasser le découpage urgence / post-urgence /développement, pour utiliser la reconstruction comme un levier de développement des territoires touchés.

Aujourd’hui, et ce livre en est une étape, l’ambition est de transmettre cette méthode, ces méthodes acquises pour des interventions en situation d’urgence, de façon rapide et efficace. Donner des outils à l’engagement.

n°46 - Printemps 2020