Architecte élu

Architecte… et maire.

Jean-Marie Bila, architecte, ancien Maire de Saint Macaire (33).

La citoyenneté active englobe l’exercice professionnel, elle ne peut en être la conséquence.

Devenir maire
La prise de conscience, à l’âge de 13 ans, de l’état de déshérence du patrimoine de mon bourg de naissance a sans doute infléchi mon orientation vers l’archéologie et au-delà l’architecture. À mon entrée dans l’atelier FERRET en 1967, nous avons ouvert un chantier de jeunes à Saint Macaire qui a bénévolement restauré et reconverti les restes d’un prieuré bénédictin. Ce creuset est devenu un laboratoire d’idées centré sur les conditions de sauvetage de la vieille ville et c’est ainsi que nous avons jugé indispensable de prendre le pouvoir municipal en 1983.

Adapter le métier
À la sortie de l’école en 1977, nous avons créé un atelier collectif d’architecture, d’urbanisme et de programmation : parallèlement, je remplissais à tiers-temps le rôle d’architecte conseiller du CAUE 33 dans le Haut Entre Deux Mers. L’accès au mandat de maire m’a contraint à une complète mutation : démission du CAUE et prise en charge d’un poste d’enseignant à l’École d’Architecture, abandon des missions pluridisciplinaires d’urbanisme, relocalisation des activités libérales sur ma commune, refondation d’un collectif pour faire face à la commande, sans embauche de salarié architecte.

Utiliser ses compétences
Pendant dix-huit années, mon mandat de maire s’est consacré en priorité à un préalable incontournable : le renouvellement du réseau d’adduction d’eau potable, l’installation d’un système de collecte des eaux usées et séparément des eaux pluviales. La formation d’architecte « post soixant’huitard » (avec des compléments en histoire de l’art et en sciences politiques) m’a permis de convertir le diagnostic porté sur l’état de mobilisation collective de mes concitoyens en interventions concrètes sur le tissu urbain. Par exemple, la résorption des friches urbaines en centre-bourg, sources de découragement citoyen, s’est résolue par l’exercice du droit de préemption et le partenariat avec « GIRONDE HABITAT » : trois immeubles Renaissance ont été ainsi réhabilités en logements sociaux.

Apprendre l’ascèse
Le statut d’élu relève pour tout sachant de l’ascèse intellectuelle qui consiste à savoir se distancer par rapport à sa propre idéologie. En effet, la réactivation de la fierté locale ne procède pas des compétences des professionnels du cadre de vie (ni des communicants). L’anthropologie demeure la discipline la plus opérationnelle mais elle est trop rarement mobilisée (ou mobilisable). Plus prosaïquement, la posture de maître d’ouvrage-architecte génère le plus souvent la défiance des maîtres d’ ?uvre : j’ai donc choisi de déléguer à des adjoints le soin de négocier le contenu des projets, acceptant que leur débouché ne soit pas à la hauteur de mes propres espérances.

Arrêter un mandat
En 2008, j’ai décidé de quitter tout mandat électif, ne serait-ce que par « hygiène publique ». Deux excès stérilisants finissent par prendre de l’importance : la confiance absolue assèche l’innovation collective, la trop longue durée suscite le désengagement. Par ailleurs, pour pérenniser la démarche, la relève devait être prise par les nouveaux habitants, en mettant à leur disposition un capital d’idées. Aujourd’hui retourné à la base, ma seule fierté serait de voir fructifier la doctrine patrimoniale que nous avons patiemment élaborée.

n°46 - Printemps 2020