formation

La sobriété heureuse

Frédérique Hoerner, architecte

Le bâtiment est encore un domaine extrêmement émetteur de carbone. Nous devons métamorphoser l’acte de construire, en profondeur. Nous nous sommes entretenus avec l’agence Atelier Architecture Perraudin, qui construit depuis deux générations des bâtiments écologiques, sobres, sur la base
de matériaux bio-sourcés et géo-sourcés (bois, pierre et terre crue).

Jean-Manuel Perraudin préfère parler
de Sobriété plutôt que de Frugalité pour éviter toute référence à la consommation. Le terme est plus humble et évoque mieux l’architecture du futur qui doit être toute en retenue.
L’agence utilise les matériaux pour ce qu’ils sont : pierre, terre et bois sont employés en structure et non en habillage. On évite ainsi tout recours aux produits de traitement, revêtement ou aux équipements « correctifs » : de thermique d’été, d’hygrométrie, d’humidité (climatisation, double flux…) à fort impact carbone. Ces matériaux apportent inertie, air sain et une hygrométrie optimale. Ils permettent de produire tous les programmes, logements, crèches, musées. On peut faire des tours en pierre, comme nos ancêtres (flèche de la basilique Saint- Michel à Bordeaux de 115 m).

La question de l’emploi des matériaux géo-bio- sourcés ne se pose pas, ce qu’il faut c’est cesser d’employer les autres matériaux car ils émettent du carbone de manière délirante, directement et indirectement. Il faut employer des matériaux qui ne dépensent pas d’énergie, atteindre la sobriété énergétique pour la construction du bâtiment, son entretien et sa déconstruction.
La pierre est réutilisable à l’infini,
sans dépenser d’énergie en transformation contrairement aux matériaux recyclables par exemple, qui peuvent beaucoup coûter en carbone à la construction et en re-consommer une seconde fois au recyclage.
Sur la question du logement et de la ruralité, la vraie question est pourquoi a-t-on besoin
de logements et où ? Nous avons 33 millions de logements pour 65 millions d’habitants
en France, soit un logement pour 2. Pourquoi en rajouter ? Parce qu’il en manque en ville ?
Le vrai problème de la ruralité est sa mise à l’écart au profit des métropoles.
L’architecture est d’utilité publique, à ce titre l’architecte a le devoir de faire au mieux et c’est souvent possible. Aujourd’hui le monde de la construction n’a plus le choix et suit. Les pouvoirs publics changent aussi, peut-être parce que
les électeurs sont plus jeunes et sensibilisés
au réchauffement climatique. Nous devons nous battre et redresser la barre.

Frédérique HŒRNER, architecte et administratrice de MAJ Formation Continue - architecture et cadre de vie.

N°52 - automne 2021