développement durable

Suppression de l’avis conforme de l’AbF en ZPPAUP : « une procédure contraire à la constitution »

rémi desalbres , architecte du patrimoine

En janvier 2009 était déposé à l’Assemblée nationale un projet d’amendement visant à supprimer l’avis conforme de l’Architecte des bâtiments de France dans les Zones de protection du patrimoine architecturale, urbain et paysager (ZPPAUP).

Les propos de Prosper Mérimée selon lesquels « le patrimoine est une affaire trop importante pour le laisser aux seuls intérêts locaux » seraient-ils devenus dépassés ?

Depuis près d’un siècle, la loi confie en effet à l’Etat la responsabilité de protéger l’architecture et les paysages, comme garant d’une politique cohérente sur l’ensemble du territoire, et indépendante d’intérêts particuliers locaux.

Créées en 1983 (décentralisation) puis élargies en 1993 à la protection des paysages, les Zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager (zppaup), sont élaborées conjointement entre les Communes et l’Etat, représenté par l’Architecte des bâtiments de France. Leur rôle est de préserver en premier lieu les qualités existantes de sites bâtis, ce qui n’exclue pas de laisser émerger une architecture contemporaine de qualité. La création d’une zppaup permet d’élargir la réflexion aux problématiques d’intégration d’architectures contemporaines en site patrimonial, mais également de développement durable et de croissance urbaine. Annexé au document d’urbanisme, le règlement de ce dispositif fixe les cadres au sein desquels les projets peuvent être élaborés puis appréciés par un professionnel de l’architecture et du patrimoine, en l’occurrence l’AbF. Ce dernier étant en effet dans la majorité des cas, le seul architecte à intervenir dans le processus d’instruction d’une demande d’urbanisme. Son avis conforme, à la différence d’un avis simple, s’impose à la décision du maire, indépendamment des contingences locales. Le délai d’instruction qu’il soit en avis conforme ou simple, reste le même.

Par ailleurs, la zppaup permet une gestion plus intelligente des abords des Monuments Historiques, en se substituant notamment aux périmètres de protection définis autour des édifices protégés au titre des Monuments Historiques (rayon inflexible des 500 mètres). Ce mode de gestion fondé sur un règlement défini avec la Commune laisse par conséquent peu de place à l’arbitraire.

Les sites de grande qualité peuvent ainsi bénéficier d’un dispositif de protection et de gestion particulièrement efficace et d’une grande souplesse d’adaptation. Près de 70 zppaup ont ainsi été mises en place en Aquitaine (Cité Frugès à Pessac (1924), Villes balnéaires de Biarritz et de Soulac, bastide de Monpazier, village médiéval de Domme, abords de Saint Emilion, etc).

C’est précisément cet outil considéré aujourd’hui comme l’un des plus performants et équilibrés au monde, envié par de nombreux pays, que l’amendement cherchait à remettre en cause. L’origine inavouée et inavouable étant un député maire de la Région Centre, qui souhaiterait s’affranchir dans sa ville de l’avis de l’AbF pour un simple projet d’alignement. L’analyse de Mérimée n’est donc pas tout à fait dépourvue de sens !

Cet amendement avait intégré à l’insu de tous, le projet de loi « d’accélération de la construction et d’investissement publics et privés » destiné à relancer l’économie. Voté à l’Assemblée lors d’une séance de nuit qui n’avait rassemblé que 7 députés, puis au Sénat, seuls 60 députés ou 60 sénateurs pouvaient encore saisir le Conseil Constitutionnel pour annuler la loi.

Les associations de protection du patrimoine et des paysages, d’architectes et l’association nationale des AbF, ont profité d’une saisine de la loi loi d’accélération de la construction par plus de 60 sénateurs pour porter un message unanime au Conseil constitutionnel. L’amendement qui visait à supprimer l’avis conforme des AbF en zppaup a donc été censuré d’office le 12 février dernier. La plus haute institution de l’Etat, l’ayant considéré comme " un cavalier législatif " « dépourvu de tout lien avec les dispositions qui figuraient dans le projet de loi » et « adopté selon une procédure contraire à la constitution ».

Maintenu, l’avis conforme des Architectes des bâtiments de France en zppaup pourrait être débattu dans le cadre du projet de loi "Engagement national pour l’environnement", dit Grenelle 2. A suivre …

n° 3 - juin 2009