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Territoire et Habitat Basque

marie-laure loumaigne , consultante

Pour permettre l’évolution de l’espace et son adéquation à la nouvelle demande sociale, le philosophe Henry Lefèvre prônait après-guerre, le partage des savoirs et la réunion des savoir-faire.

L’aménagement du territoire est le type même d’action qui nécessite une prise en charge commune, car le territoire est commun. Il existe un bien collectif indivisible produit et utilisé par les habitants de Bayonne à San Sebastien. Il ne s’agit pas d’une unité basque, mais d’une solidarité pratique, résultant de la gestion et de l’utilisation commune d’un territoire urbanisé de façon continue, la « conurbation Bayonne - San Sébastien ».

L’idée d’un réseau de ville transfrontalier suppose une conviction politique : l’adhésion à l’esprit de l’Union Européenne. Désormais, nous sommes citoyens d’un même ensemble politique, l’Europe.

De même, les réflexions et démarches autour de l’habitat et de la maison individuelle en Pays Basque ne peuvent se démarquer de la réflexion générale sur la maison individuelle. La crise de la modernité qui bouscule notre société présente en territoire basque les mêmes problématiques qu’ailleurs : les villes qui s’étalent et repoussent de plus
en plus loin leurs limites.

Que ce soit la « métapole hyper moderne » de F. Ascher ou la ville émergente pour Y.Chalas, de nouvelles structurations sont en cours, se nourrissant de valeurs sociales multiples et complexes : environnement et développement durable, individualisme, sécurité, authenticité, patrimoine, technologie, mobilité.

La société actuelle désespère du présent, se retourne parfois vers le passé à travers des néo-néo modèles,
véritables pastiches.

Or, selon Eugène Viollet-le-Duc, « le retour vers le passé est toujours un signe de détresse, une ressource extrême qu’emploient les intelligences lorsqu’elles
désespèrent du présent ».

Cette société du XXIème siècle s’enracine autant dans les traditions du local ou leurs pastiches réinventés, qu’elle organise sa propre mobilité et sa connexion grandissante au monde.

Elle construit une nouvelle urbanité qu’on ne peut plus lire avec la grille de lecture construite pour la société moderne. L’urbanité est rurale et la ruralité est urbaine, les modes de vie se standardisent en même temps qu’ils s’individualisent.

Si le style architectural basque et l’architecture néo-basque sont des modèles repérables d’une architecture régionale, l’histoire montre de façon remarquable que l’évolution de ce modèle s’est faite dans une ouverture
aux courants architecturaux internationaux.

La réécriture de ce modèle aujourd’hui est complexe.Elle se nourrit de signes extérieurs qui marquent le paysage d’une basquité perçue comme telle quand bien même elle n’est perçue que comme un artéfact par les tenants d’une culture basque.

Le style néo-basque résulte de la convergence de deux faits : le développement d’activités touristiques sur la côte basque à partir du premier séjour à Biarritz en 1854 du couple impérial Napoléon III et Eugénie, entraînant de nouveaux résidents d’origine bourgeoise,et l’affirmation de l’idée régionaliste dans ses traditions architecturales.

L’avènement du néo-style régional illustre la formation, à côté d’une architecture ordinaire (celle élaborée par les maçons et les charpentiers), d’une architecture distinctive (celle élaborée par les architectes) comme produit d’une demande sociale. Le néo-basque se matérialise par la production d’un nouvel espace habitationnel, la Villa labourdine, par détournement des signes de la ferme labourdine.

Un nouveau modèle se constitue autour d’une logique de la représentation spectaculaire des éléments du modèle original :

La présence sur la façade de colombages, d’un mur de refend, d’un encorbellement, d’un toit constitué d’une pente souvent asymétrique.

Ainsi, le domaine labourdin fonctionne à la fois comme un réservoir où sont puisés les modèles de référence et un champ d’expérimentation de la stylistique du néo-basque, qui s’épuise aujourd’hui, après un style « néo-démocratisé », diffusé fortement dans les années 50, période de mobilité sociale marquée par l’élargissement très net des classes moyennes.

n° 4 - janvier 2010