développement durable

La santé, un enjeu majeur de révolution énergétique des bâtiments

SUZANNE DEOUX, Docteur en médecine, médieco conseil & formation

Dans l’acte de construire, seule l’énergie est actuellement digne d’intérêt et possède un coût ! La santé n’en aurait-elle pas un aussi ? Les évaluations des coûts énergétiques et environnementaux des bâtiments se multiplient. Se préoccupe t-on aussi des coûts sanitaires générés par des bâtiments pour lesquels les performances risquent d’être jugées à l’aune d’un seul critère, l’économie d’énergie ?

Il n’est pas inutile de rappeler qu’on construit d’abord pour offrir à l’être humain, fragile, à la fois un abri sûr, le protégeant de l’hostilité des éléments naturels, un environnement quotidien sain évitant de l’exposer à des sources de nuisance, un espace de vie lui permettant de s’épanouir, d’accomplir les activités domestiques ou professionnelles et de se reposer. Les choix effectués ne peuvent être qu’un compromis entre les enjeux environnementaux et la protection de la santé qui ne se résume pas à l’absence de maladie, mais définit une adaptation réussie de l’homme à son environnement à la fois sur le plan physique, psychique et sociologique. La santé bien comprise, c’est « être bien », c’est-à-dire le bien-être.

Viser la performance énergétique des bâtiments impose une approche multi-critères, décloisonnée et pluridisciplinaire en amont des projets de construction et de réhabilitation afin d’éviter l’émergence de problèmes d’inconfort d’été, de dégradation de l’environnement acoustique intérieur, de manque d’homogénéité de la lumière naturelle, de mauvaise qualité de l’air intérieur et d’insatisfaction d’occupants mal informés sur les nouveaux modes constructifs.

Dans les bâtiments fortement isolés, le risque de surchauffe est réel, notamment en période chaude, et mal toléré par les personnes âgées en raison de l’altération de la vascularisation cutanée et de la diminution de la sudation. Des températures élevées augmentent la sensation d’air sec et divers symptômes liés au dessèchement des muqueuses rhinopharyngées, de la peau et des conjonctives oculaires. Les lentilles de contact sont ainsi moins bien supportées. L’humidité relative de l’air intérieur est un paramètre négligé. Élevée ou basse, elle est un facteur sanitaire essentiel des locaux résidentiels ou tertiaires et non un simple critère de confort. L’hygromètre est un objet rare dans les logements alors que le thermomètre y est omniprésent.

L’isolation thermique du bâti augmente les performances acoustiques vis-à-vis des bruits extérieurs. Lors de réhabilitation thermique, la suppression de l’effet de masque du bruit ambiant augmente la perception de toutes les sources sonores intérieures. L’exposition prolongée au bruit ne se limite pas à un inconfort ou à une gêne. Elle retentit sur le système nerveux végétatif qui régule le fonctionnement de tous les organes. Ainsi, il est constaté une augmentation du risque d’hypertension artérielle, une déstructuration des cycles du sommeil, une diminution des performances psychomotrices, etc. Pour éviter ces troubles et ne pas perturber les relations de voisinage, le renforcement de l’isolement acoustique entre logements, voire entre logements et circulations communes ou vis-à-vis des équipements peut se révéler nécessaire.

Les impacts sanitaires d’éclairages artificiels économes en énergie comme les lampes fluorescentes ou les LED font débat. Le risque photobiologique lié à la quantité et à la qualité de lumière reçue par la rétine a été récemment intégré dans le marquage CE à travers la norme NF EN 62 471 qui définit 4 groupes de 0 à 3, d’exempt de risque à risque élevé.

Renouveler l’air reste une source incompressible de déperditions thermiques, même si elles sont diminuées par des systèmes de ventilation performants. Économes en énergie, les bâtiments doivent tout de même satisfaire aux besoins humains en oxygène et à l’élimination des polluants et de l’excès d’humidité. La concentration aérienne de nombreux composés (formaldéhyde, benzène, toluène, allergènes de moisissures, d’acariens…) est actuellement plus élevée dans le bâti qu’à l’extérieur. La qualité de l’air intérieur est désormais sous haute surveillance. Les décrets du 2 ?décembre 2011 en instaurent la surveillance obligatoire dans les bâtiments accueillant des enfants et fixent des valeurs guides à ne pas dépasser pour le formaldéhyde et le benzène. Depuis le 1er ?janvier 2012, les nouveaux produits de construction et de décoration tels que peintures, colles, revêtements doivent porter une étiquette qui indique, à l’aide d’une note entre A + ?(très faibles émissions) et C (fortes émissions), leur niveau d’émission de dix polluants volatils.

Un changement de culture des acteurs du bâtiment est indispensable vis-à-vis de la ventilation qui ne bénéficie souvent pas de lot spécifique. L’étanchéité du réseau aéraulique n’est pas vérifiée. Les mesures de débits d’air des installations neuves ne sont pas obligatoires et ne sont donc pas effectuées. La dégradation progressive de la qualité de l’air des locaux par défaut de ventilation a un impact économique et humain par l’augmentation des affections liées au confinement excessif des bâtiments. Le coût de la santé étant moins facile à quantifier que celui des thermies, on n’intègre pas, dans le coût global, la facture des éventuels problèmes sanitaires causés par les nuisances d’un bâti qui n’a pas fait l’objet d’une réflexion globale.

Si vous souhaitez allez plus loin sur le sujet, notez que Suzanne Déoux sera au 308, lundi 25 ?juin à 18 h 30 pour une conférence publique : « La santé des enfants, un enjeu pour la construction », organisée par le CFAA.

n°15 - juin 2012