urbanisme

Renouveler la ville : quelques repères de méthodes

Etienne Parin , directeur du gip-gpv des hauts de garonne.

Le terme de renouvellement urbain, employé ces dernières années, laisse entendre qu’il s’agit d’aller au-delà de la simple « réparation » des quartiers dégradés telle que pratiquée auparavant. Toutefois, il implique une prudence, voire une modestie vis-à-vis d’une situation héritée d’un temps où cette humilité devant l’édification de quartiers nouveaux avait singulièrement fait défaut ! Cela ne signifie pas qu’il faille manquer d’ambition, mais que la méthode demeure essentielle.

L’expérience de quelque sept années d’action autorise donc à poser 3 préalables, à proposer 5 principes et à suggérer 3 corollaires.


En premier lieu, il est nécessaire d’identifier les échelles de pertinence dans l’approche des problèmes  : la question scolaire ne relève pas du même territoire que celle de l’emploi, par exemple, pas plus que celle du temps libre au quotidien ne se confond avec celle des loisirs dominicaux ou des vacances.
Ensuite, il sera loisible de déterminer les territoires du projet  : le grand territoire pour les déplacements, le développement économique ou la biodiversité, la commune pour la politique culturelle ou sportive, le quartier pour l’éducation des plus jeunes ou la gestion urbaine de proximité… Cela implique enfin de construire un partenariat large, de répartir les responsabilités et de fixer un cadre contractuel inscrit dans la durée. Les incertitudes actuelles concernant l’avenir de l’ANRU posent donc question.

Le premier principe sera d’assurer le désenclavement du territoire et de garantir la mobilité des habitants. Le deuxième sera de diversifier largement l’offre résidentielle et de permettre l’accueil de populations nouvelles afin de faire évoluer le profil social des populations. Priorité devrait être donnée à la primo-accession afin de reconstituer la chaîne résidentielle. Ensuite, un effort tout particulier doit être consenti en faveur d’une remise à niveau des équipements et services publics : à cet égard il faut reconnaitre le rôle majeur de l’espace public comme lieu d’expression de la citoyenneté. Par ailleurs, les quartiers dégradés souffrent encore du syndrome des cités dortoirs : un projet économique doit venir compléter le projet urbain et environnemental. Enfin, la gouvernance globale doit permettre de passer en mode projet en assurant la transversalité des opérations : un référentiel projet viendra garantir le suivi du processus et le respect du calendrier contractuel.

En corollaire, chacun pourra changer son regard porté sur sa pratique. Les habitants d’abord dont le sentiment de relégation pourra faire place à une dignité retrouvée par l’usage renouvelé de l’espace urbain et des équipements ; les décideurs ensuite en ceci qu’ils disposeront de moyens d’intervention garantis pour re-questionner les politiques publiques d’accompagnement et le fonctionnement du territoire en passant d’une attitude défensive à un projet de transformation en profondeur ; les architectes et urbanistes dont la conscience de participer à un collectif d’action leur confèrera une responsabilité particulière.

Un deuxième corollaire sera de fonctionner dans l’esprit d’un véritable laboratoire de l’innovation durable et de l’excellence, loin des modes formelles et des diktats administratifs. Un questionnement permanent peut fonder de nouvelles approches des formes urbaines et architecturales, de nouvelles approches du bien vivre ensemble comme de l’habitat lui-même. Le refus des modèles, des certitudes préétablies, voire des normes… doit être de mise. Rien ne serait pire que de substituer aux architectures de chemins de grues des solutions dictées par tel calcul de BBC au détriment d’un plaisir d’habiter retrouvé.
Le bon usage, seul, garanti la pertinence d’une architecture contemporaine et sa capacité à faire des habitants les premiers ambassadeurs du renouvellement de leur cité. À cet égard, le débat actuel sur les densités et la hauteur des bâtiments est significatif : renouveler la ville, ce n’est bien sûr pas remplacer des tours ou des barres par une marée d’échoppes ! Il s’agit bien plus de redéfinir un nouveau rapport aux espaces partagés, publics ou privés, de suggérer des usages possibles et divers, des lieux de partage et de reconnaissance. Mais la ville compacte ne peut exclure par principe les conflits d’usage : sans aller trop loin, il est loisible de penser que la vie même est faite de conflits puisqu’ils sont générateurs de lien social.

Le troisième corollaire serait enfin, comme souligné au départ, de faire preuve d’humilité. Puisque la ville ne saurait être figée, le projet même doit intégrer sa propre capacité à évoluer. Cela implique chacun, les élus, les maîtres d’ouvrages comme les maîtres d’œuvre : s’il est dans notre culture cartésienne de « tout contrôler » n’oublions pas les leçons d’autres cultures, je pense en particulier à la culture musulmane pour laquelle une œuvre finie est une œuvre morte.

n° 8 - nov 2010