profession

L’accessibilité de la cité, un engagement des architectes.

Dépasser le règlement grâce au dialogue et l’approche par l’usage.

Frédéric DENISART - Vice-Président du Conseil National de l’Ordre des Architectes

La loi  :

La loi de l’égalité des chances du 11 février 2005, désignée souvent de façon réductrice « loi handicap », est souvent mal vécue par les architectes dans leur exercice professionnel. Un nouveau règlement à appliquer qui engendre nombre de contraintes parfois difficilement compatibles avec les engagements du programme. Certains se sont d’ailleurs largement exprimés à ce sujet sans pouvoir pour cela faire bouger les limites législatives.

Comment pouvons-nous considérer qu’un architecte puisse, volontairement par son travail, interdire l’accès au bâtiment qu’il conçoit ? C’est pourtant comme cela que les usagers en situation de handicap peuvent le vivre.

L’histoire de la société vertueuse pour rendre les bâtiments accessibles remonte à 1975 avec les premiers textes définissant les premières normes d’accessibilité pour personnes en fauteuil. Mais cette société a laissé la situation quasiment identique à celle d’avant 1975. Sans obligation de contrôle et sans sanction, la situation n’a pas évolué. Les usagers se sont alors fédérés et organisés au sein d’associations formant ainsi des groupes de pressions actifs et incontournables.

En 2010, le Conseil National de l’Ordre des Architectes, qui avait suivi la rédaction et l’application des décrets et arrêtés de la loi du 11 février 2005, a souhaité apporter une nouvelle forme de contribution au débat pour une société accessible à tous.

Nous bénéficions tous d’une part d’expertise pour permettre que nos réalisations soient exemplaires et universellement accessibles. Mais quelles sont réellement nos obligations ?

Devons-nous poursuivre vers la voie règlementaire pour rendre la cité accessible ou devons-nous déplacer le débat ?

L’esprit de la loi :

Nous avons fait le choix de déplacer le débat en partant des postulats suivants :

→ Les architectes exercent leur art en maitrisant les techniques les plus diverses. Ils ont reçu, durant leur formation initiale, les connaissances nécessaires pour qualifier les espaces bâtis en relation avec l’Homme. Mais comment appréhender les besoins des personnes fragilisées ?

→ Nous savons que bien souvent le règlement est perçu par l’architecte comme une contrainte à détourner pour que son projet réponde aux canons de l’intégration urbaine et paysagère.

→ Nous savons que l’histoire de tout bon projet d’architecture débute avec un bon programme et une harmonie avec les usagers. Mais comment écrire un bon programme pour l’accessibilité ?

Dans un premier temps, le Conseil National de l’Ordre des Architectes s’est alors rapproché des usagers, ceux pour lesquels nous devons modifier notre attention. Il a signé une charte d’engagement avec les quatre associations représentant les quatre familles de déficiences. Le dialogue s’est alors noué et une attention respective s’est instaurée. Chacun a pu appréhender les contraintes de l’autre. Nous avons su bâtir un contexte d’écoute autour de l’usage. L’actualité récente suite aux travaux demandés à la sénatrice Claire-Lise Campion par le premier ministre montre que notre approche était la bonne. Nous participons activement aux débats et ne sommes plus entendus comme des acteurs réfractaires, mais bien comme des experts de l’art de construire forces de proposition sur lesquels il faut compter.

Actuellement le CNOA travaille en partenariat avec les associations et les services de l’État sur l’élaboration d’outils à destination des architectes et des CCDSA (commissions d’accessibilité) en charge d’instruire les permis de construire. L’objectif est de créer une notice d’accessibilité permettant à l’architecte de présenter son projet autour de l’usage et que cet outil serve lors des phases ultérieures de réalisation du bâtiment et au-delà lors de son exploitation.

Par la charte d’engagement, nous nous sommes engagés à dérouler sur l’ensemble du territoire ce travail d’écoute et de dialogue avec les usagers en installant des « Comités Accessibilité ». Ces comités siègent au sein des CROA, ils sont portés par des conseillers ordinaux aidés par les représentants régionaux issus du monde associatif. Ces rencontres entre concepteurs et usagers ont pour mission de susciter un climat propice au dialogue et à l’échange de bonnes pratiques. Les comités se réunissent avec l’assentiment de la représentation régionale du ministère en charge de la politique du handicap en France. C’est avec plaisir que nous avons participé activement, le 1er octobre dernier, à la mise en place officielle du « Comité Accessibilité d’Aquitaine », en présence des représentants associatifs nationaux et de nombreux représentants régionaux. Ce dialogue positif entre les différents acteurs se doit d’être poursuivi dans le but d’une architecture accessible à tous et pour tous.

n°22 déc. 2013