entretien / portrait

Loi ELAN. Exemple de Creusalis, Office départemental de la Creuse.

Entretien avec Frédéric Suchet, directeur de Creusalis. Propos recueillis par Sophie Bertrand.

Dans quelle logique s’inscrit la loi ELAN ?
La loi ELAN fait suite à la loi de finance. Dans celle-ci, le gouvernement a programmé une économie sur les APL, de 1.5 milliards à échéance 2022. Cette baisse comprend 2 volets : — Baisse de 5 €/mois, supportée directement par les locataires. — Baisse de 30 à 40 €/mois selon les foyers. Cette baisse des APL pour les locataires est compensée par la baisse des loyers des bailleurs sociaux. Cela représente une baisse de 10 % des ressources de Creusalis, 800 000 € annuel en moins pour chacune des années à venir.

Loi ELAN : quelles conséquences pour un petit office HLM, en milieu rural ?
Conséquence 1  : Dans une certitude de réduction budgétaire, nous avons arrêté les opérations en cours, en phase études.
Conséquence 2 : à moyen terme, notre capacité d’investissement est réduite et notre structure est fragilisée. Creusalis intervient en zone rurale, avec peu de pression urbaine et locative. 8 % de notre parc immobilier est vacant. Construire en zone rurale coûte aussi cher qu’ailleurs. Lorsque nous sortons un T4, avec un loyer à 450 €/mois à Crocq par exemple, c’est trop cher. Trop cher pour les habitants en Creuse, trop cher par rapport aux autres offres locatives. Donc la réduction de notre budget nous contraint à arrêter les opérations de construction, et à nous concentrer sur l’entretien du bâti existant.
Conséquence 3 : la loi nous imposera d’être au seuil minimum de 15 000 logements (ou peut-être 10 000 logements). 2 solutions : nous adosser à un groupe existant, plus important, ou nous regrouper. Cette réforme sera maintenue, car elle découle de la loi de finance et impose une mise en conformité au 1er janvier 2021.

Quelles stratégies d’adaptation ?
Stratégie 1  : pour atteindre le seuil de 15 000 logements, nous nous sommes rapprochés de bailleurs sociaux départementaux. Nous partageons une vision commune : sens du service public, tailles équivalentes et problématiques similaires, en zones rurales et peu tendues. Nous préparons une cohésion collective.
Stratégie 2  : à l’échelle de Creusalis, nous avons un patrimoine à entretenir. La baisse budgétaire entraîne la réduction des dépenses de maintenance et par conséquent la détérioration du bâti. Ceci entraîne le départ des locataires, donc moins de loyers, donc moins de trésorerie et la réduction des dépenses de maintenance… Cercle vicieux. Se pose la question de la « masse critique ». Nous pourrions augmenter notre parc patrimonial : acheter, à d’autres offices HLM, privés, des logements existants, habités, fournisseurs de loyers. Nous avons à estimer les travaux à effectuer, par rapport aux rentrées potentielles de loyers. Dans le contexte actuel, nous tâchons de tenir le cap, d’entretenir et de proposer des habitations décentes aux foyers les plus démunis. À échéance 2021. Mais nul ne connaît les prochains choix politiques.

Creusalis
— Établissement Public Industriel et Commercial (EPIC), rattaché au conseil départemental
de la Creuse
— Créé en 1923
— 120 employés
— Budget de 39 millions d’euros
— Parc de 5 000 logements
— Taux de vacances du parc locatif 8 %
— 56 % des locataires touchent les APL
— 3 à 4 opérations par an en construction neuves.
Surtout des travaux d’entretien du parc existant.

n°40 - automne 2018 - septembre
(PDF - 2.6 Mo)